...
Exemple

30 janvier 2013

✔ PORTRAITS DE FUMEURS DE PIPE: SCYTALE

Nous inaugurons ici une série de portraits de personnes de tous profils et venant d'horizons multiples, mais qui partagent tous notre passion: fumer la pipe. Pour ouvrir le bal, place à Luc, que les habitués des forums sur internet connaissent par son surnom: Scytale.

Scytale est luthier à Paris. Mais c'est pour son attirance envers d'autres objets en bois que nous l'avons rencontré. Car voilà presque 44 ans que Luc fume la pipe. 
Il n'existe sans doute aucun archétype des fumeurs de pipe. S'il est un trait commun entre ceux que nous croisons ici ou là parmi les mordus du tuyau, il s'agit sûrement de l'attachement à l'objet, qui dépasse l'entendement pour les non-initiés. Pourtant, tout amoureux de la bouffarde qu'il soit, Scytale accorde autant -sinon plus- d'importance à ce qui justifie son existence: ce que nos ancêtres nommaient le pétun.
"J'ai toujours fumé la pipe, quand les copains, eux, tiraient sur leur cigarette. En classe de 5°, mon prof de français fumait à la pause. Ca sentait bon. Ca m'a décidé", explique-t-il.
Nous étions au début des années 1970. Sa toute première pipe, une belle petite apple de Saint-Claude sans marque et sans défaut, il se souvient l'avoir achetée dans une civette, avec un paquet de Gris.

UNE EXCELLENTE GBD

Très vite, notre ardent pétuneur devint fidèle client d'une boutique parisienne: le fameux magasin du Palais Royal "A l'Oriental", tenu alors par Monsieur Goltsch. 
"Ce monsieur était absolument charmant et me donnait plein de conseils. Le contact s'est fait tout de suite. Je lui ai acheté beaucoup de pipes. Mais progressivement. J'étais alors lycéen et mon argent de poche était limité".
Il se souvient de trois d'entre elles, ses premières amours: une Jeantet courbe, une Ropp sablée noire et une GBD neocraft billiard: "Une merveille que je fume toujours" [NDLR: Celle qu'il fume sur la photo ci-dessus]. Monsieur Goltsch lui montait aussi des têtes de pipe estampillées maison."Je le regardais polir avec son tour installé au fond de la boutique". Quand Goltsch n'avait pas ce que Luc cherchait, il l'envoyait volontiers chez Gilbert Guyot, avenue de Clichy. 

"Je continuais à acheter les pipes par deux. Donc j'ai plein de modèles en double. La même forme, avec des bruyères différentes".

Dans la foulée, enjambant la Seine, Scytale fréquenta "Au Caïd", boulevard Saint-Michel: un magasin d'angle, superbe, avec ses cartonniers et ses vitrines en bois patiné.
"Je me rappelle y avoir acheté deux pipes apparemment identiques, deux Chacom billiard. En fait, l'une était flammée et l'autre montrait des oeils-de-perdrix. Ce fut une découverte: les deux pipes de même forme donnaient des goûts totalement différents: la flammée était plus douce et la bird's eye plus soutenue au goût".

Puis, il a découvert la maison Sommer, passage des Princes. "Ca me paraissait très cher".
Amoureux du bois, il a tout de même acquis quelques écumes et -surtout- des pipes en terre.
"J'ai toujours aimé la terre. J'en ai acheté beaucoup, parce que j'en ai cassé beaucoup !".
Quand on lui fait remarquer que les pipes en terre ont tendance à chauffer, il s'inscrit en faux contre cette idée: "Il suffit de passer la tête de la pipe sous l'eau avant de la bourrer. Je n'ai jamais eu de problème", s'enflamme-t-il.

LE GOÛT AVANT TOUT

"J'ai commencé avec du Gris, ai testé l'Amsterdamer que j'ai trouvé infect, puis j'ai aimé le Flying Dutchman. Peut-être davantage pour la boîte, décorée par l'image d'un superbe voilier".

S'ensuivit la découverte du latakia, à travers le Balkan Sobranie, qu'il a adoré, et les tabacs Dunhill. 
En voyage d'étude à Londres, ce fut une révélation. Chez Dunhill, à deux pas de Piccadilly, il s'est "ruiné" en achetant du tabac que l'on pouvait sentir et choisir dans des pots. "Ma palette de goût s'est beaucoup élargie à cette époque. A Dublin, en 1974, j'ai acheté mes premières Peterson au magasin de Grafton Street. Des écumes calcinées, très agréables, et des bruyères, souvent difficiles à culotter". Au fil de ses voyages, du Midi de la France au Danemark (sans toutefois jamais passer par Saint-Claude !), il a ajouté progressivement des pipes à son cheptel, au point d'arriver actuellement à un ensemble conséquent de 300 pièces. Il ne peut cependant dire s'il en possède une vraiment meilleure que les autres.
"J'ai effectivement quelques très bonnes pipes, mais cela dépend de leur interaction, de leur accord avec le tabac. Par exemple, j'ai une Lacroix sablée excellente avec des mélanges virginia/Perique".

C'est en participant aux réunions du Pipe Club de Paris à la fin des années 70 qu'il a été amené à découvrir les semois. Il est resté fidèle à ces tabacs belges.
"J'ai tous les semois, tous les Manil, tous les Couvert et le Didolux. Mais je reviens aussi au Gris régulièrement. J'adore également toujours les mélanges virginia/Perique".

LES MÉLANGES DE RUSS OUELLETTE

Dans cette dernière catégorie, Luc recommande l'Escudo et le Davidoff Flake Medallions. Mais le Louisiana Red, de Hearth and Home, représente pour lui le summum de la qualité. "J'aime beaucoup les mélanges de l'Américain Russ Ouellette. Des amis m'en rapportent des USA. Je me suis également fait faire un mélange chez Peretti à Boston, un latakia/virginia très rond". 
Au sujet du fameux tabac fumé, notre homme averti ne dédaigne pas non plus le Penzance, le Pelican et le VB 2, ce dernier étant disponible en Belgique. "Mais il manque un petit peu de rondeur", regrette-t-il.
Devant ce fumeur qui fait preuve d'un bel éclectisme, ne parlez cependant pas de tabacs aromatiques. "Je les déteste tous, à l'exception du Carter Hall, qui est un burley à peine saucé, très agréable et à la combustion parfaite".

Arrivé à l'âge mur, le passionné volubile avoue "posséder 10 kg de tabac à pipe en réserve, de quoi tenir un siège". Ce qui l'amène à fabriquer des mélanges personnels, poussant même la folie douce jusqu'à presser lui-même de l'herbe à Nicot pour en faire du flake et le laisser progresser dans sa maturation.

ADEPTE DU ZIGOUIGOUI


Depuis toujours, Scytale a privilégié la saveur révélée par la pipe à la beauté intrinsèque de la bruyère. "Je ne suis pas collectionneur, je suis fumeur. La marque de la pipe m'importe peu. Je suis sensible à la beauté du bois mais ce n'est pas mon premier critère".
Ainsi, si une belle pipe n'est pas bonne, il y a de fortes chances pour qu'elle passe des jours paisibles au fond d'un tiroir.

Luc a toujours préféré les tuyaux assez longs et déteste par conséquent les brûle-gueule. Et -quitte à s'attirer quelques amicales moqueries- il avoue toujours utiliser des filtres, "y compris le zigouigoui, le filtre métallique", s'amuse-t-il.

Son idéal ? Fumer la pipe en lisant et en buvant une tasse de thé.
"En travaillant aussi, dans mon atelier, je fume. Mais uniquement des courbes, plus légères en bouche".
Dans le râtelier fixé à côté de ses outils d'artisan, sont accrochées une pipe en terre de Gérard Prungnaud, une bruyère de chez Goltsch et une écume de plus de trente ans, à la belle teinte brunie à force de culottage.

"Souvent, je songe à un prof de Terminale. On fumait tous les deux la pipe en classe tout en discutant philo". C'est sans doute pour retrouver cette ambiance si particulière de l'échange d'idées entre amateurs de belles volutes grises que Scytale a créé, avec quelques amis, le forum internet Autour de la Pipe. Une autre façon de discuter la pipe en bouche. Entre hédonisme et pragmatisme.

Tous les portraits >

VUES

15 commentaires :

Jean-François a dit…

---Bonsoir Scytale, Félicitations pour tes commentaires sur notre passion commune et pour tous les détails que tu donnes !
---Amitiés pipiesques, JF.

Jean-François a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Un portrait si vivant que jusqu'ici ça fleure bon le bois,le tabac, la cire et les souvenirs.

Anonyme a dit…

Cette GBD est-elle anglaise ou française ?

Rémi

Anonyme a dit…


Marque créée 1850 à Paris par Ganneval, Bondier and Donninger.
D'abord Marechal & Ruchon Cie puis C.J. Verguet Frères (fermé en 1970) possédaient GBD de 1903 à 1970 et réalisaientt ces pipes à son usine de St Claude.
Dans les années 1970 la Cadogan Company (Oppenheimer group) pris le contôle de GBD. Avant cette date les pipes étaient estampillées "London England" sur une ligne, même si elles étaient parfois réalisées en France
.http://www.pipephil.eu/logos/fr/logo-gbd.html

Anonyme a dit…

Ouah, alors la bravissimo. Joli portrait!!

Anonyme a dit…

Il est étrange comme fumeur dit expérimenté d'utiliser des filtres métal qui sont à l'origine d'une condensation désagréable.

Anonyme a dit…

autant de personnes,autant de manières de fumer la pipe

Anonyme a dit…

Merci pour les renseignements sur GBD.

Rémi.

Juju a dit…

Un bien beau portrait d'un fumeur de pipe bon connaisseur des tabacs.C'est rare.

Anonyme a dit…

vous auriez pu chosir un fumeur un peu plus estate pour votre premier portrait. Un fumeur qui se moque du bois, qui fume avec des filtres metal.... bof bof bof.

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Je ne sais pas ce qu'est un fumeur "estate"... Quoi qu'il en soit, il est dommage de ne pas considérer un fumeur de pipe authentiquement passionné comme un être unique, avec ses options. Que certains favorisent l'accord entre la bruyère et le tabac plutôt que de se focaliser sur le seul veinage du bois ne me semble pas répréhensible, sauf si l'on a changé de régime -ce qui m'aurait échappé. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des fumeurs de pipe: ils ont tous quelque chose à s'apporter mutuellement, pour peu qu'ils n'appartiennent à aucune chappelle, pour ne pas dire une secte.

twisel a dit…

ceux qui connaissent le bougre savent que c'est un énorme passionné!

qu'il fume avec filtres ou pas, on s'en tape; dire qu'il se moque du bois, c'est ne pas avoir compris ses propos: un beau bois n'est pas forcément un bon bois! (il est luthier quand même!)

scytale est un mec en or avec un coeur gros comme ça (bon, vous voyez pas, mais j'écarte les bras!): une rencontre, quelques minutes avec lui et fumer la pipe prend une autre dimension!

un fumeur "estate"... m'enfin! (comme dirait l'autre)

bravo pour ce portrait!

mpm.bandit a dit…

N'oublions pas la très grande convivialité de Scytale qui accueille, régulièrement, ses amis pétuneurs au cours de mémorables soirées. Luc l'a dit, il n'est pas collectionneur d'objets, même si ceux-ci lui tiennent à cœur, sa très grande richesse est un palais d'une très rare qualité qui lui permet de saisir des subtilités de goût insaisissables pour tout un chacun. Je l'envie pour cela. Être son ami est pour moi un privilège, Luc est un être rare et réservé.

mpm.bandit a dit…


Twisel a dit...

".../... scytale est un mec en or avec un coeur gros comme ça (bon, vous voyez pas, mais j'écarte les bras!): une rencontre, quelques minutes avec lui et fumer la pipe prend une autre dimension!"

En même temps, Michel, taillé comme tu l'es, tes bras ne seront jamais assez longs ! ! !

Salut, l'ami . . .