Agé de trente-deux ans seulement , Jalil a déjà un joli passé de fumeur de cigare. Une passion dévorante qui l'a saisi et l'a conduit à collectionner sans compter.
"Le problème, c'est que quand je suis passionné par quelque chose, j'y vais à fond, avoue-t-il. En seulement trois années, je me suis retrouvé avec pas moins de 500 cigares".
Voilà un investissement qui n'enchantait pas son épouse. Un premier enfant, une famille qui se construit et d'autres priorités financières qui se dessinent. "J'ai craqué et j'ai tout vendu. A partir de là, j'ai complètement arrêté de fumer".
Mais l'art de pétuner ne quitte pas définitivement le monde de Jalil. "J'ai un ami, Jean-Philippe, qui fume la pipe. L'odeur qu'elle dégage m'a intrigué. Il m'a dit: tu peux fumer la pipe sans que personne ne t'ennuie, c'est pratique. Quand tu rentres dans un magasin, tu la mets dans ta poche et tu la rallumes ensuite". A l'inverse du cigare qui s'adapte difficilement aux allées et venues urbaines.
UNE VRAIE CLAQUE
Tenté par l'aventure, Jalil rend visite à un autre ami, Cyril, du magasin "Art Tabac", dans le 14° arrondissement de la capitale. Celui-ci l'encourage dans sa quête. Alors, direction "La Pipe du Nord", dans le 10°, chez Pierre Voisin. Un premier achat, une pipe pour débuter, avant d'aller plus loin si l'expérience s'avère concluante. Et le réflexe du novice: l'achat chez un buraliste d'une blague d'Amsterdamer, comme une évidence. En fait, l'erreur qui aurait pu être fatale et tout compromettre.
"J'ai tout de suite trouvé ça dégueulasse, déclare-t-il spontanément. Surtout quand tu viens du cigare, quelle déception !".
Heureusement, Jalil ne se laisse pas intimider par le paquet bleu, auquel il réserve sans vergogne le sort qu'il mérite: poubelle !
Au tabac "Le Lotus", près de la Madeleine, le patron lui conseille et lui vend du Skiff Mixture de Samuel Gawith.
"Avec ma boîte, je rentre à l'atelier, je bourre et j'allume ma pipe tranquillement. Et là, je prends une claque! Je suis devenu immédiatement accro aux mélanges avec latakia".
C'est à partir de ce déclic que Jalil commence son exploration de cet univers sans fin, en surfant sur la toile et en s'inscrivant sur des forums et des réseaux sociaux. "J'ai discuté avec un Américain super sympa qui m'a envoyé des échantillons, dont du Penzance, un flake contenant du latakia. Il m'a également conseillé d'investir dans des pipes de plus haute gamme, et m'a orienté vers des artisans d'outre-Atlantique".
Artisan lui-même, Jalil est séduit par l'idée d'acquérir une pipe faite entièrement à la main, même si la dépense d'acquisition est plus élevée. Il sait la valeur du temps dédié à l'ouvrage d'une pièce unique.
UN APPÉTIT SANS FIN
Découvrant l'infinie diversité de ces créations manuelles, la passion compulsive qu'il avait connue pour le cigare le reprend. Rapidement, ses premières bouffardes voient arriver d'autres compagnes: une Morel, une Melan, une Pastuch, une Ceppo, une Goussard, une Rad Davis... A ces nouvelles pensionnaires, il adjoint deux estates: une Dunhill datée de 1955, venue de chez le vendeur belge Georges, une BBB et une Lasse Skovgaard.
Une à une, il sort ses pipes et me les présente: ici un superbe sablage sur bruyère naturelle, là une magnifique allonge en bambou. Il s'émerveille des menus détails et des finitions.
S'agissant des tabacs, les investigations de cet épicurien l'amènent à déguster les mélanges allemands de HU-Tobacco. "J'ai fumé du Sunset et du Dockworker, d'excellents tabacs avec du virginie".
Mais il papillonne, cherche, teste, achète des aromatiques légers également de HU ainsi que du semois de Vincent Manil. "La première fois, j'ai fumé mon semois trop vite. Après, j'ai compris qu'il fallait y aller doucement et là, il dégage toute sa saveur".
Ne fumant pas à son domicile, ("J'ai pris un appartement sans balcon, ma plus grosse erreur", s'amuse-t-il), c'est à l'atelier qu'il profite pleinement de ses chères bruyères. C'est la raison pour laquelle Jalil Thibot affectionne les petits foyers et les pipes légères. "Pour pouvoir fumer tout en travaillant sur mes bracelets, je fais très attention au poids des pipes".
Mais le meilleur moment de la journée, c'est maintenant. Jalil fait une pause déjeuner, consulte ses sites internet préférés (qu'il s'agisse de pipe ou d'horlogerie), boit un expresso serré, tire lentement sur une pipe bourrée au latakia. "C'est la plus savoureuse de la journée", explique-t-il.
Et comme si les pipes et les mélanges qu'on y consume ne lui suffisaient pas, il s'est lancé dans la fabrication de sacoches à pipe. Artisan et curieux de nature: on ne se refait pas.
LES SACOCHES À PIPES DE
JALIL
« Très
vite, il m’a fallu une sacoche pour ranger mes pipes. Mais je n’ai rien trouvé
de satisfaisant. Je me suis dit : pourquoi ne pas en fabriquer moi-même ? »
Travaillant le cuir, Jalil Thibot avait commencé
par se confectionner des blagues à tabac. Mais pour les sacoches, il a fait appel
à un ami styliste exerçant également dans le Sentier. Ce dernier l’a aidé à imaginer un
premier sac, une banane en cuir, noire à l’extérieur, rouge à l’intérieur,
permettant de ranger deux ou trois pipes.
« En plus,
cet ami a une machine à coudre, ce qui n’est pas mon cas puisque je couds tous
mes bracelets-montres à la main », précise Jalil.
Un autre sac banane, en cuir marron, a
suivi. Puis, souhaitant loger six pipes ainsi que du tabac, un briquet et un
tasse-braise, il a créé un modèle différent, cette fois-ci avec bandoulière
amovible.
Enfin, la dernière sacoche réalisée peut accueillir une douzaine de bouffardes et leurs accessoires. Se rapprochant davantage d’un
sac de voyage, en veau grainé, elle est équipée d’anses et d’une bandoulière amovible.
« Au départ, quand je me suis lancé, je ne souhaitais pas en faire commerce. J'ai assez de travail avec les bracelets. Et puis, maintenant, je me dis que s’il y a des amateurs… Nous verrons bien s’il existe une vraie demande ».
« Au départ, quand je me suis lancé, je ne souhaitais pas en faire commerce. J'ai assez de travail avec les bracelets. Et puis, maintenant, je me dis que s’il y a des amateurs… Nous verrons bien s’il existe une vraie demande ».
Atelier
Thibot 78, passage du Caire 75002 PARIS
www.atelierthibot.com / mail:contact@atelierthibot.com
tél.
06 65 70 80 44
VUES
4 commentaires :
L'Amstersamer n'est pas si mauvais que vous semblez l'indiquer. J'y reviens de temps en temps et avec plaisir. J'aime aussi le Kentucky Bird, comme Jean Lebrun dont vous avez aussi fait le portrait. Je dirai aussi l'Amphora rouge, dans cette catégorie des arômatiques.
Pensez que l'Amsterdamer reste le tabac pour pipe le plus vendu en France, ça doit bien être pour quelque chose. Alors pourquoi "poubelle" ?
Oui, il n'est pas illégal d'aimer l'Amsterdamer. Mais il existe tant d'autres mélanges à découvrir. Y compris de la Seita, d'ailleurs.
Face à riche diversité de tabacs qui existent il faut quand même reconnaître que l'Amsterdamer n'est pas extraordinaire... J'ai la chance d'habiter près de la frontière espagnole où l'on trouve un choix beaucoup plus vaste de tabacs à pipe. Quand je vois ce qu'offrent par exemple des marques comme WO Larsen ou Peterson, je pense que si ces marques étaient aussi répandues que ce dernier il y aurait bien plus de jeunes fumeurs qui accéderaient au fumage de pipe
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