Le tabac pour pipe Capstan existe vraisemblablement depuis 1893. Créé par une entreprise anglaise de Bristol, W.D. & H.O. Wills, ce mélange fut ensuite élaboré par la société Imperial Tobacco à partir du début des années 1970, puis par Orlik. Récemment, c'est le fabricant danois Mac Baren qui a repris la recette, toujours sous licence d'Imperial Tobacco.
Dans sa petite boîte rectangulaire, le Capstan est un tabac virginia coupé en flakes, une coupe appelée également navy cut. Il existe en réalité deux Capstan avec ce type de conditionnement: la version Original Navy Cut, la boîte bleue, et le Gold Navy Cut, la boîte jaune. C'est l'original -dans sa version actuelle signée Mac Baren- que Salabreuil a testé. Merci à lui pour ce brillant article.
LE CAPSTAN EST MORT, VIVE LE CAPSTAN !
L'habitude est une des
caractéristiques du fumeur de pipe. Chaque fumeur a ses pipes, ses tabacs, ses
accessoires. Chaque fumeur a sa façon d'allumer sa pipe, de la nettoyer,
de la ranger, de la transporter. Dans un monde en perpétuelle agitation, où la
rapidité est une vertu et l'immédiateté une exigence, le fumeur de pipe semble
traverser notre époque à pas lents et tranquilles, protégé par ses manies, ses
rituels, ses repères. Le pétuneur, sa pipe et son tabac : une association
immuable ?
Pas si sûr. Car changement et transformation frappent de plein fouet
ce qui est au coeur de la passion du fumeur de pipe : le tabac.
Mélanges
Dunhill, Escudo, Three Nuns... : la liste est longue des tabacs dont la
recette s'est transformée au fil des ans au gré des changements de fabricants.
Ces modifications de recette secouent régulièrement la communauté des fumeurs
de pipe, et sont probablement -avec les lois anti-tabac- ce qui les énerve le
plus. Protestations, déconvenues, râles et complaintes sur l'air de "ce
n'est plus ce que c'était" fusent sur les forums. Le fumeur de pipe,
qu'on aurait tort d'imaginer comme placide et débonnaire, se révèle prêt à
charger à chacune de ces transformations, qui s'accompagnent le plus souvent de
déceptions et sont vécues comme une trahison, l'obligeant à changer ses
habitudes et à se tourner vers d'autres références.
Un des derniers tabacs en
date à avoir connu un changement de fabricant est le Capstan, dont l'Original
Navy Cut est probablement un des Virginias les plus populaires. Sa fameuse
petite boîte bleue tient une place à part dans le coeur de ceux qui
l'apprécient.
Auparavant fabriqué par
Orlik, on peut comprendre que la nouvelle de la reprise par Mac Baren,
toujours sous licence Imperial Tobacco, ait de quoi inquiéter les amateurs de
Capstan. "Allons bon, encore un tabac qui ne va plus être que l'ombre
de lui-même"... D'autant que Mac Baren est un fabricant qui est loin
de faire l'unanimité parmi les fumeurs de pipe. Surnommé Mac Bite (to
bite = mordre) sur les forums américains, beaucoup de leurs tabacs ont la
réputation d'agresser la langue des fumeurs les plus sensibles. C'est mon cas :
la dernière fois que j'ai fumé un Mac Baren, j'ai dû mettre ma langue en
convalescence et m'interdire de fumer pendant deux jours. Un calvaire.
Alors, ce nouveau Capstan, que
vaut-il par rapport à l'ancien ? Eh bien, je n'en sais rien. Absolument rien.
Car je n'ai jamais fumé l'ancienne version. Je suis pourtant très reconnaissant
envers Yves, l'ami qui m'en a offert gentiment une boîte probablement âgée de
quatre ou cinq ans, mais je ne l'ai pas encore ouverte.
Là, je dois faire
appel à l'indulgence du fumeur de pipe sourcilleux, et préciser que je ne fume
la pipe que depuis à peine deux ans. Il pourra même paraître outrecuidant que
je vienne ainsi donner mon avis sur le tabac préféré de Tolkien, sans connaître
ce qui a pu faire sa gloire et sa réputation. Seulement voilà : je ne le
connaîtrai jamais, le tabac de Tolkien.
Évidemment, je suis ravi d'avoir
l'opportunité de fumer des tabacs anciens, mais, en imaginant que je tombe sur
une boîte oubliée par le créateur de la Terre du Milieu, la vieillesse et la
maturation du tabac qu'elle contiendrait ne me permettront pas pour autant de
découvrir ce qui faisait le plaisir du grand homme lorsqu'il ouvrait une boîte
neuve de Capstan.
Il m'a donc semblé intéressant de parler du présent, et
d'éviter des comparaisons, que l'on trouvera facilement par ailleurs. Le
Capstan dont je parle est celui fabriqué depuis 2013, celui de Mac Baren. Faut
faire avec, c'est ainsi.
Cela tombe bien : pour moi, c'est un excellent
Virginia. D'abord, écartons tout de suite la menace Mac Baren : ce tabac
n'a rien d'agressif. Il est doux, il est agréable, le débutant peut le fumer
sans crainte: votre langue ne se rebellera pas. Ouf !
Il se présente sous la
forme de flakes, découpés finement et très régulièrement, à la jolie couleur
blonde. Relativement peu humide (et séchant par ailleurs rapidement), c'est
probablement un des flakes les plus aisés à manipuler : bourrage et allumage
sont un jeu d'enfant. Il se consume lentement et régulièrement. C'est vraiment
le tabac facile par excellence.
La première moitié du bol dégage des
notes terrestres, d'herbes, et se révèle très légèrement sucré. C'est un tabac
qui sent l'été, il me rappelle des odeurs de campagne en plein mois de juillet.
La terre sèche, les champs de blé, le café qu'on prend au soleil. Peut-être
suis-je influencé par la couleur de ces flakes ? C'est subtil, et il y a
assez peu d'évolutions pendant la première moitié du bol - certains pourront le
trouver monolithique.
La deuxième moitié se corse légèrement, sans être
agressive pour autant. Il devient plus fruité, plus onctueux, crémeux même, il
prend de l'épaisseur. Le soleil chauffe un peu plus, la terre se durcit, les
fruits rouges mûrissent, leurs notes parviennent fugacement, celles du cassis
notamment, pour être précis. Mais c'est léger, subtil, comme si une brise
légère apportait ces parfums par intermittence : on est loin du cagnard.
Je fume le Capstan depuis
plusieurs mois : j'ai évolué dans mon association avec les pipes.
Je le préférais au début dans des foyers droits. Aujourd'hui, son évolution me
semble s'y révéler moins intéressante, et elle perd un peu de sa complexité,
subtile mais réelle. Je le fume régulièrement dans d'excellentes pipes : une Zulu
de Pierre Morel et une très vieille Charatan de forme Dublin. La
douceur, la légèreté du Capstan en font un tabac très adapté aux foyers
coniques, qui concentreront un peu plus ses saveurs et ses arômes dans le
dernier tiers.
Hélas, il semblerait que
le changement de fabricant se soit accompagné d'une disparition progressive du
Capstan des civettes françaises, alors même qu'il était introduit en fanfare
sur le marché américain l'année dernière. Mais on le trouve facilement en
Espagne ou en Allemagne. Ma boîte se terminant, j'irai en racheter demain dans
ma civette de Perm, à 1500 kilomètres à l'est de Moscou, d'où j'écris ces quelques
lignes en songeant que le pétuneur français est décidément malmené.
On l'aura compris, j'aime
beaucoup le Capstan, le seul, l'unique, celui d'aujourd'hui, et il
fait partie de ma rotation. Il est devenu pour moi une référence. Jusqu'à ce qu'il change de
fabricant et de recette, bien sûr...
Salabreuil
LE CAPSTAN EST MORT, VIVE LE CAPSTAN !
L'habitude est une des caractéristiques du fumeur de pipe. Chaque fumeur a ses pipes, ses tabacs, ses accessoires. Chaque fumeur a sa façon d'allumer sa pipe, de la nettoyer, de la ranger, de la transporter. Dans un monde en perpétuelle agitation, où la rapidité est une vertu et l'immédiateté une exigence, le fumeur de pipe semble traverser notre époque à pas lents et tranquilles, protégé par ses manies, ses rituels, ses repères. Le pétuneur, sa pipe et son tabac : une association immuable ? Pas si sûr. Car changement et transformation frappent de plein fouet ce qui est au coeur de la passion du fumeur de pipe : le tabac.
Mélanges Dunhill, Escudo, Three Nuns... : la liste est longue des tabacs dont la recette s'est transformée au fil des ans au gré des changements de fabricants. Ces modifications de recette secouent régulièrement la communauté des fumeurs de pipe, et sont probablement -avec les lois anti-tabac- ce qui les énerve le plus. Protestations, déconvenues, râles et complaintes sur l'air de "ce n'est plus ce que c'était" fusent sur les forums. Le fumeur de pipe, qu'on aurait tort d'imaginer comme placide et débonnaire, se révèle prêt à charger à chacune de ces transformations, qui s'accompagnent le plus souvent de déceptions et sont vécues comme une trahison, l'obligeant à changer ses habitudes et à se tourner vers d'autres références.
Un des derniers tabacs en date à avoir connu un changement de fabricant est le Capstan, dont l'Original Navy Cut est probablement un des Virginias les plus populaires. Sa fameuse petite boîte bleue tient une place à part dans le coeur de ceux qui l'apprécient.
Auparavant fabriqué par Orlik, on peut comprendre que la nouvelle de la reprise par Mac Baren, toujours sous licence Imperial Tobacco, ait de quoi inquiéter les amateurs de Capstan. "Allons bon, encore un tabac qui ne va plus être que l'ombre de lui-même"... D'autant que Mac Baren est un fabricant qui est loin de faire l'unanimité parmi les fumeurs de pipe. Surnommé Mac Bite (to bite = mordre) sur les forums américains, beaucoup de leurs tabacs ont la réputation d'agresser la langue des fumeurs les plus sensibles. C'est mon cas : la dernière fois que j'ai fumé un Mac Baren, j'ai dû mettre ma langue en convalescence et m'interdire de fumer pendant deux jours. Un calvaire.
Alors, ce nouveau Capstan, que vaut-il par rapport à l'ancien ? Eh bien, je n'en sais rien. Absolument rien. Car je n'ai jamais fumé l'ancienne version. Je suis pourtant très reconnaissant envers Yves, l'ami qui m'en a offert gentiment une boîte probablement âgée de quatre ou cinq ans, mais je ne l'ai pas encore ouverte. Là, je dois faire appel à l'indulgence du fumeur de pipe sourcilleux, et préciser que je ne fume la pipe que depuis à peine deux ans. Il pourra même paraître outrecuidant que je vienne ainsi donner mon avis sur le tabac préféré de Tolkien, sans connaître ce qui a pu faire sa gloire et sa réputation. Seulement voilà : je ne le connaîtrai jamais, le tabac de Tolkien.
Évidemment, je suis ravi d'avoir l'opportunité de fumer des tabacs anciens, mais, en imaginant que je tombe sur une boîte oubliée par le créateur de la Terre du Milieu, la vieillesse et la maturation du tabac qu'elle contiendrait ne me permettront pas pour autant de découvrir ce qui faisait le plaisir du grand homme lorsqu'il ouvrait une boîte neuve de Capstan.
Il m'a donc semblé intéressant de parler du présent, et d'éviter des comparaisons, que l'on trouvera facilement par ailleurs. Le Capstan dont je parle est celui fabriqué depuis 2013, celui de Mac Baren. Faut faire avec, c'est ainsi.
Cela tombe bien : pour moi, c'est un excellent Virginia. D'abord, écartons tout de suite la menace Mac Baren : ce tabac n'a rien d'agressif. Il est doux, il est agréable, le débutant peut le fumer sans crainte: votre langue ne se rebellera pas. Ouf !
Il se présente sous la forme de flakes, découpés finement et très régulièrement, à la jolie couleur blonde. Relativement peu humide (et séchant par ailleurs rapidement), c'est probablement un des flakes les plus aisés à manipuler : bourrage et allumage sont un jeu d'enfant. Il se consume lentement et régulièrement. C'est vraiment le tabac facile par excellence.
La première moitié du bol dégage des notes terrestres, d'herbes, et se révèle très légèrement sucré. C'est un tabac qui sent l'été, il me rappelle des odeurs de campagne en plein mois de juillet. La terre sèche, les champs de blé, le café qu'on prend au soleil. Peut-être suis-je influencé par la couleur de ces flakes ? C'est subtil, et il y a assez peu d'évolutions pendant la première moitié du bol - certains pourront le trouver monolithique.
La deuxième moitié se corse légèrement, sans être agressive pour autant. Il devient plus fruité, plus onctueux, crémeux même, il prend de l'épaisseur. Le soleil chauffe un peu plus, la terre se durcit, les fruits rouges mûrissent, leurs notes parviennent fugacement, celles du cassis notamment, pour être précis. Mais c'est léger, subtil, comme si une brise légère apportait ces parfums par intermittence : on est loin du cagnard.
Je fume le Capstan depuis plusieurs mois : j'ai évolué dans mon association avec les pipes. Je le préférais au début dans des foyers droits. Aujourd'hui, son évolution me semble s'y révéler moins intéressante, et elle perd un peu de sa complexité, subtile mais réelle. Je le fume régulièrement dans d'excellentes pipes : une Zulu de Pierre Morel et une très vieille Charatan de forme Dublin. La douceur, la légèreté du Capstan en font un tabac très adapté aux foyers coniques, qui concentreront un peu plus ses saveurs et ses arômes dans le dernier tiers.
Hélas, il semblerait que le changement de fabricant se soit accompagné d'une disparition progressive du Capstan des civettes françaises, alors même qu'il était introduit en fanfare sur le marché américain l'année dernière. Mais on le trouve facilement en Espagne ou en Allemagne. Ma boîte se terminant, j'irai en racheter demain dans ma civette de Perm, à 1500 kilomètres à l'est de Moscou, d'où j'écris ces quelques lignes en songeant que le pétuneur français est décidément malmené.
On l'aura compris, j'aime beaucoup le Capstan, le seul, l'unique, celui d'aujourd'hui, et il fait partie de ma rotation. Il est devenu pour moi une référence. Jusqu'à ce qu'il change de fabricant et de recette, bien sûr...
Salabreuil
9 commentaires :
Font-ils un tabac? N°8
Erwin Van-Hove 30/04/12
Fumeurs de pipe.fr
Heureux de lire ton compte rendu spontané aussi frais qu'une "boîboîte" tout juste ouverte, Salabeuil.
Voilà qui nous change de la prose un chouïa pédante et empruntée des "gourous" !
Mille mercis.
Bonjour,
Coïncidence, je viens de trouver une boite de Capstan Navy Cut fabriqué en Grande Bretagne encore scellée mais qui doit être très ancienne car le prix est encore libellé en Francs (40 Fr) Pensez-vous qu'il soit encore fumable ?
Merci
Daniel
A mon avis, Daniel, il va être excellent ! Les virginie flake se bonifie avec le temps. Vous risquez de vous régaler.
pardon: se bonifient...
Merci cet article.Quand on agrandit la photo du flake,on voit tous les détails, c'est super.Ca fait vraiment vraiment envie !!
J'ai fumé le Capstan jusqu'à sa disparition des Civettes. Je viens d'avoir la chance de m'en procurer en Espagne dans sa nouvelle version. Moins humide, légèrement moins parfumé il garde toujours le charme subtil de ses origines.
Je suis dans la région parisienne...j'ai quelques boîtes de CAPSTAN à vendre :
- boites bleues rectangulaires NAVY CUT 50 gr (tabac dans sa boîte depuis 10 ans !)
- boite ronde player's medium " " "
Tél : 06 21 11 33 29
Il semble bien que Tolkien commandait son Capstan par livre entière, ainsi que le montre cette facture de mars 1972 (cliquez sur le lien) :
Facture de Capstan
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